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MONA BORZOUEI

Née le 9 Mai 1984 (19 Ordibehesht 1363) à Téhéran, Iran
Il n’y a pas autant de possibilités dans la réussite que dans l’échec.

Mona a étudié la langue anglaise en tant qu’interprète de 2002 à 2006. En 2008, une de ses chansons a été interprétée par Shadmehr Aghili (interprète reconnu) et depuis il a été interdit de la nommer par son travail.

Dans le cadre du festival mousighi ma (notre musique), le 23 septembre 2014, elle a reçu des mains d’Afshin Yadollahi le prix de la meilleure chanson.

Son premier recueil de poésies, Taghdir (le destin), a été publié aux éditions Negah, à Téhéran, en 2015, puis interdit de publication après sa 10ème édition.

En 2015, répondant à l’invitation de l’Université Allameh de Téhéran, elle a organisé un atelier de chansons qui a été interrompu après sa troisième séance, critiqué par l’émission « info 20:30 », l’organe de la propagande de l’Etat.

De 2015 à 2017, il lui a été interdit de quitter l’Iran pendant 2 ans, sans en connaitre la raison.

Le 6 mars 2018 elle a été honorée pour l’ensemble de son œuvre par le festival Afshin Yadollahi (auteur/compositeur/psychiatre, 1969-2017)

Le 29 septembre 2022, elle a été arrêtée suite à la publication d’une vidéo dans laquelle elle lit sans hidjab son poème pour Mahsa Amini, la fille kurde dont le destin tragique a été à l’origine du mouvement « femme, vie, liberté ».

Au même moment, un de ses poèmes « l’hymne à la femme », interprété par Mehdi Yarrahi, chanteur engagé iranien, est devenu une chanson de lutte, diffusée par les réseaux sociaux. Après 8 jours d’incarcération elle a été libérée sous caution.

Pour chaque homme il y a un refrain Qu’il est le seul à entendre.

21 avril 2023

Oh, malheur aux captifs oubliés !

17 avril 2023

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L’hymne à la femme

Femme, vie, liberté

En ton nom qui est notre sésame
La tombée de la nuit de Mahsa
Sera l’aube de milliers de voix

Chante !
Que la ville devienne un hymne à la femme
Que ce pays devienne mon pays !

La nuit, ils guettent dans les rues
Frappant aux portes, criant : « maintenant, c’est ton tour ! »

Mon frère, ma forteresse Scintille dans la pénombre
Sa course, sa large poitrine
Me sont un refuge sûr

Les fouets frappent le corps des témoins
Ils se sont sacrifiés
Ils font partie de moi
Tirez plutôt sur mon cœur !

Le monde devient une chanson
Laissez-moi l’embrasser dans le sang
Elle sera immortelle.

Les cheveux relevés, quel immense courage !
Ils ont tué les témoins de leurs crimes

Pourquoi émigrer ? Reste et résiste
En étouffant leur tyrannie

Chante !
Que la ville devienne un hymne à la femme
Que ce pays devienne mon pays !

Septembre 2022

 

Pour Mahsa Amini, la fille kurde

La main qui a éteint le souffle d’un innocent,
On peut dire qu’elle a tué l’humanité.

On pensait qu’ils avaient tué le soleil et le ciel
En nourrissant les chauves-souris

Le sang qui coule de ses oreilles
Continue à bouillir et les submergera

L’écho singulier du nom de cette fille kurde
Révèlera leur cruauté cachée

Ce drapeau mâtiné de nuit comme ses cheveux,
Nous le sortirons de l’ombre de ton crabe*

Amalgame de mensonges,
Etat tétanisé,
Nous reprendrons cette patrie de tes griffes !

Septembre 2022

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* C’est le symbole de la religion imposée par les Ayatollahs au milieu du drapeau iranien depuis 1979 au nom de Allah

 

Souviens-toi
De nous
Tes enfants
Une trace
Que le vent a emportée

Je suis
Peut-être, partie Ailleurs
Où existe
Un monde pour crier

13 mai 2022

 

Je dois dire que ma poésie est amère…
Et je suis profondément amère…
Finalement, vous avez un talent d’empoisonnement plutôt que d’écriture… Comme si votre main trouvait une fiole dans l’étagère des mots, les yeux fermés… Comme si vous saviez inconsciemment quel poison est le plus mortel
pour cette plaie…
Lequel mord, assèche ou fait le plus mal…

Je voulais que les mots soient bouleversants, qu’ils soient une caresse,
y ajouter de la couleur ou une danse, mais c’est comme si j’avais bu du poison et l’avais fait boire…

Si vous restez dans ce marais acide, votre corps et votre âme se décomposeront et y seront absorbés.
Parfois j’ai peur de cette noire amertume de ma plume qui se répand sur le papier et monte, conquiert mes bras et tout mon être.

Je suis effrayée de voir ce lierre sombre de douleur m’envahir, cet édifice lumineux et chantant que j’étais autrefois…

S’effondrer.

6 février 2022

 

L’adieu après un départ† (vidéo)

Tu es là !
Assise, regardant la porte Le sommeil t’échappe
Ton ventre brûle

Tu es là !
Couvant une fièvre amère
Sous ton front, la fournaise

Je vois que
Tu ne supporteras pas avec moi
L’adieu après un départ. Félicitations !

La misère m’a empêché de t’embrasser
J’ai été baptisé de malheur
Crois-moi,
Je suis crucifié de bonheur, ce soir.

Avec ma mort sanglante
Je révoque leur jeu.
De tout ce que j’ai dit
De tout ce que j’ai fait Je suis content.

Ne pleure pas !
Moi, je serai le cauchemar de ce juge !

Qui apportera la nouvelle du malheur de ma mort ?
Ma crainte c’est :
Qui te l’annoncera ?

Un démon a déchiré ma chemise
Tachée de mon propre sang Que va-t-il te dire ?

Je suis libre !
C’est le prix de mon sang.
Ne retire pas ta foi en moi !
Es-tu réveillée ?
Tu peux les entendre youyouter.
Tous sont vêtus de leur deuil d’Aban.

Novembre 2019

† De la part d’un enfant martyr pour sa mère
‡ Aban (novembre), 8ème mois du calendrier persan, durant lequel les autorités ont coupé internet et massacré plus de 1500 personnes qui contestaient l’augmentation du prix de l’essence.

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Ma douleur

Ce n’est pas de ma faute si mes chansons
Causent le malheur du gardien et du prisonnier. Si on te dit qu’on t’a oublié,
Ce sont des mensonges.

Même la corde qui me sauve
J’ai appris à la détruire.
Dans le jeu de l’amour
En une nuit, je me rends misérable.

Quel est le plus cruel :
Est-ce toi ou le lancinement de ma conscience ?
Pardonne toutes mes inconstances
Et mes nuits orageuses.

Pourquoi as-tu peur de mes yeux ? Moi qui ai enlevé le masque.
Regarde je suis devenue
Celle que je disais mépriser.

Ma douleur n’est qu’une simple confession
Une douleur que j’ai tuée mais qui persiste.
Celui qui m’a pris mon monde
Ne m’a même pas retenue comme otage.

Pourquoi as-tu peur de mes yeux ?

2019

 

Le destin

Il me faut te trouver tant qu’il n’est pas trop tard
Toi, tu t’es coupé de moi simplement mais le destin n’est pas innocent
Tu me désires mais tu me mets sans cesse de côté
Il me faut te trouver, tu es ton propre ennemi
Seuls mes mots peuvent t’apaiser
Te faire regretter de partir au dernier moment
Je m’écorche aux impasses de cette ville glaciale
Quand tu penses à moi je le sens de loin
Ces nuits de pleurs, un jour j’en perdrai la vue
Ton odeur s’évanouit de la chemise que tu as oubliée
Il me faut te trouver, que tu ne t’isoles pas plus chaque jour
Que tu ne sois pas plus malheureux qu’avec moi
Je te trouverai même si tu déplumes mes ailes
Je tiens fermement ta main pour que tu croies à mes sentiments

2015

 

Arbre

Je suis comme un arbre isolé
Qui a bourgeonné en automne
Une fleur épanouie mais
À la mauvaise saison
Je suis comme un arbre isolé
Aux branches emplies d’espérance
Aux feuilles qui poussent Jusqu’à la porte du soleil

2003

 

Traduction du persan au français :
Madjid Esfeyni, avec l’aide d’Aurélie Capuçon et de Nicolas Lescureux