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Sélection de textes de Mohamed Tadjadit

Poèmes

 

Les voix du passé

 

Les voix se sont multipliées dans la tête
L’âme a ressuscité
quand elle a entendu cette voix-là
La voix du Djurdjura qui pleure
pour les sacrifiés demeurant sous les tombes
alors que leurs enfants meurent en mer .

 

N’est ce pas que la page n’est pas tournée ?
Les Aurès n’ont pas encore oublié
le jour où cette musique a été composée
pour redonner vie à la terre .

 

Ils sont venus falsifier les vers
Et nous répartir dans des cases
en refermant les portes sur nous .
J’allais les ouvrir en silence
quand je me suis rendu compte
que les rôles étaient déjà distribués

 

Ils ont renversé sur nous la balance
jusqu’à coucher le soleil de la justice .
Alors les voix sont revenues.
Quand la justice est devenue aveugle,
dans la douleur elles ont de nouveau crié,
le gardien n’ayant pas apporté de bien,
son épée s’étant inclinée vers le mal .
Il a négligé la clé
et son autorité est tombée .

 

Ils ont travaillé sous une aile
même les aigles parmi eux
sont devenus idiots .

 

J’ai demandé pardon à ma patrie,
j’ai senti qu’elle en était touchée .
Ma plume veillant aux aurores
elle a correspondu avec les esprits partis .
Elle en grandit et devint une arme
quand l’étau s’est resserré sur notre pays .

 

Les esprits les poursuivront
âmes de nos ancêtres
qui se sont soulevées .
La vérité finira  par apparaître
ils verront ce que notre terre a enfanté .

 

Dites à Abane de se reposer
sa route n’est pas encore détruite.
Les enfants du pacifisme
sont encore solides
et notre posture est constante
jusqu’à ce que notre drapeau flotte
et que nous voyons l’Etat debout
avec de belles valeurs .

 

Les voix,
c’est ce qu’elles avaient dit …

 

Prison d’El Harrach Alger le 6 mai 2021

 

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Promesses

 

Je promets à ses larmes qui ont coulé
et aux âmes sacrifiées
que je ne pardonnerai pas
à celui qui a été injuste envers elle …

 

Je construirai ses colonnes touchées …
jusqu’à ce que je la voie en paix .
Avec la plume de la justice
je la dessinerai …

 

Pourtant toutes les gorges ont hurlé
ou alors est-ce que vos cœurs seraient morts
ou bien avez-vous souci de savoir qui va la gouverner ?

 

Nous ne nous  courberons jamais
et nos couleurs n’ont pas déteint .

 

Quand elle est triste
qui va la comprendre ?
Dans ses sanglots
j’ai entendu ce qu’elle a livré .
Je n’ai point trouvé de répartie
pour lui répondre .
J’ai senti l’injustice qu’elle a vue
dans chaque larme
elle m’a enseigné ses malheurs …

 

Quand je les ai essuyées
les larmes de ma mère ont coulé .
les voici dans mes vers que je n’ai pu finir …

 

Pour que j’informe les esprits éveillés .

 

La cause, je ne vais jamais la marchander
Pour ceux qui restent fidèles à leur posture .

 

De liberté, jamais je ne la priverai.

Prison d’El Harrach, Alger le  09 janvier 2021

 

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Résistance

 

Envoyez votre venin
et ajoutez-y la mort
Ceci ne sera pas dur pour vous
Vos prisons ne couvrent pas la voix
Cherchez donc pour nous une nouvelle accusation
Je vais vous emprisonner entre mes vers
vous passerez tous en jugement dans le poème
vous tous qui avez enfourché la lutte
pour un poste et de la nourriture
Alors que l’âme du système est malade .
Vous voulez rendre muette la plume
J’e vais essorer pour vous mon cœur
sur une feuille blanche
Juste pour que ma missive
parvienne à destination
Si vous la lisez entre les lignes
vous entendrez des cris stridents
Ils démolissent ces palais là
construits avec la méchanceté
S’ouvriront alors les portes des tombes
pour les intérêts personnels
Vous passerez vos années en mois
L’amour de la terre n’étant pas un service
Les recommandations des villes et des hameaux
et celle du Sahara oublié
Afin de casser tous les murs
peints à l’esclavage
Celui qui parle derrière les palais
ne nous apprendra pas la liberté
Démontrez encore votre haine
et mettez moi dans un cercueil
pour vous ce n’est pas difficile
Le pain de l’humiliation
tandis que l’ordre est venu d’en haut
C’est la punition de la conscience qui sera nouvelle
Vous n’avez arrosé ni terre ni lieux secs
Vous vous êtes approché de l’arbre
dont les racines sont têtues
Vous êtes allés chercher du bois brûlé
pour construire un nouveau bateau
Restez à courir dans une impasse
Jusqu’à ce que la table
se renverse  sur vous .

 

A la prison d’El Harrach Alger le 25 novembre 2020.

 

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Changement

 

Suppression du régime militaire
et chute de l’État mafieux
le peuple libre ne se cassera point
jusqu’à ce qu’il voie son pays purifié
celui rempli par des visages de malheur.
Ô ! mon pays, tu te souviens
de tes enfants mangés par la mer
le combattant en toi a été trahi.
Moi je me souviens
ils ont tous mangé et pris

  – partants ou arrivants –

aucun d’eux n’est honnête
même ceux qui ont laissé la jeunesse
éteinte à jamais.
Nous avons dit « ils s’en iront tous »
eux et leur faux rouillée.

 

Alger le 20 mars 2019