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SOMAIA RAMISH

Notice biographique de Somaia Ramish 

Somaia Ramish est  née le 2 septembre 1986 à Hérat City en Afghanistan. Durant la République islamique d’Afghanistan, elle était partie avec sa famille vivre à Téhéran. Après la chute des talibans, elle est revenue en Afghanistan où elle a vécu pendant une vingtaine d’années, plus précisément à Hérat, jusqu’à leur retour en 2021.

En 2014, elle fait partie des huit poètes afghanes dont les textes sont publiés en langue anglaise sous le titre Load poems like guns   (Charge des poèmes comme des fusils) dans la traduction de Farzana Marie. À cette époque, elle s’est engagée déjà en tant que journaliste et écrivain et plus particulièrement en tant que poète pour soutenir la cause des femmes, des enfants et des handicapés.

 Après le retour des talibans en 2021 elle a pu trouver refuge aux Pays-Bas où elle vit présentement. A travers ses écrits (poèmes ou articles) Et sur son site  https://somaiaramish.nl/,  elle tente de porter  à travers le monde la voix des Afghanes opprimées.  En 2023 elle crée l’association House of Poetry en exil, Baamdan qui est un appel à l’aide lancé aux écrivains et aux artistes du monde entier pour restaurer la liberté d’expression en Afghanistan par la littérature et par l’art.

Poèmes de Somaia Ramish (Afghanistan)

Traduits du persan par Sholeh Wolpe, puis de l’anglais par Cécile Oumhani

1)

L’odeur de l’argile et des épis 
après la pluie
Les effluves de menthe le long
des berges de la rivière
Le parfum entêtant du jasmin
la nuit

Au moment de fuir
lequel devrais-je glisser
dans mes affaires pour que sur la route tortueuse du destin
je ne perde pas mon pays.
je ne perde pas mon pays.

2)

Quand tu me manques
Je deviens une poignée de poussière.
Plante une vigne en moi, je t’en prie.
Je veux respirer l’odeur de Herat.

3)

Des balles ont visé son cœur
mais il n’a pensé
qu’au kohl autour
des yeux de l’aimée
ruisselants de larmes
sur son sort
en son absence.

4)

Je n’étais pas encore née
quand mère a mis notre pays
dans ses bagages et renoncé à elle-même
pour que mon nombril
se détache
du cordon de la guerre…

Mais
nos repas du soir sont devenus
des bulletins d’information sur la guerre diffusés heure après heure.
Nos cellules reconnaissaient leur exil
dans la souffrance, la douleur et les blessures.

Nous n’étions en réalité partis nulle part.
À l’âge de neuf ans je saisissais
l’absurdité de la géographie.

À quatorze ans j’ai défait les bagages de ma mère.
Leur odeur m’a enveloppée,
Et rendue à mes ancêtres.

Maintenant, mon pays est plus qu’un bulletin d’information sur la guerre ;
il est la folie de la géographie
qui court dans mes veines.

Il est une lame à double tranchant

                                       La mort et la mort

5)

 Il fait nuit dans toutes les régions du monde
et le sang de l’aube a séché dans les veines de demain.

Je pleure dans tous les fuseaux horaires.
Dans lequel es-tu ?
Toi qui n’entends pas nos voix ?

Peuples libres du monde,
vous qui avez représenté la liberté d’une statue,
d’une pierre,
d’un rocher qui est tombé dans un puits
et meurt avec un bruit de fin.

Après une chute, si vous entendez un choc sourd,
c’est le bruit de la mort.
Reculez les aiguilles de vos horloges d’un siècle
ainsi vous pourrez avaler la nouvelle du rocher de la liberté
avec du café amer et oublier
que nous, de ce côté-ci du temps,
de ce côté-ci du monde,nous sommes déjà morts dans notre fuseau horaire.

6)

Tu me tues
pour me sauver de l’Enfer,
ou plutôt,
pour te mener au Paradis.

Chaque jour, je meurs encore et encore
quand mes cheveux pourrissent dans tes pensées ordinaires,
quand ma voix est engloutie par ton fanatisme,
quand mes formes de femme font de toi un infidèle,
et quand mes cheveux provoquent la colère de ton Dieu.

Toi qui as peur de la beauté,
regarde les rues de Téhéran et de Kaboul
elles ne mènent ni au Paradis ni en Enfer.

De la mort, nous sommes revenus vivants.

       Travail    pain   liberté

       Femme    Vie     Liberté

 

Note :

  • Travail, pain, liberté est le slogan des femmes afghanes dans la rue contre l’oppression, la discrimination, la dictature et l’extrémisme religieux.
  • Femme, vie, liberté est le slogan des femmes dans les rues d’Iran contre l’oppression, la dictature et l’extrémisme religieux.

 

Somaia Ramish

traduit de l’anglais par Cécile Oumhani