Notice biographique de Mohamed TADJADIT
Mohamed Tadjadit, poète kabyle algérien, est né le 9 janvier 1994 à Bab-el-Oued.
En 2008, il fugue vers Oran d’où il tente vainement de passer en Europe. Renvoyé dans sa famille qui vit sous une tente après l’effondrement de sa maison, il opte pour une formation de chef cuisinier. Parallèlement, il s’exerce à la danse capoeira, à la break dance où il excelle et il obtient le premier prix de poésie de la Ville d’Alger en 2012. En 2017, il décide de partir travailler en Turquie. Mais , après une dernière tentative pour rejoindre l’Europe, il revient en Algérie en fin 2018.
Quand le Hirak commence à Alger ses défilés pacifiques le 22 février 2019,
Mohamed Tadjadit devient rapidement « le poète du Hirak. » D’où sa première arrestation lors d’un rassemblement pour exiger la libération des détenus d’opinion le 11 novembre 2019 et sa condamnation à 18 mois de prison ferme (la plus haute condamnation de l’époque) pour « a^einte à l’unité nationale ». Libéré sous condition le 2 janvier 2020, il est de nouveau incarcéré le 23 août 2020. Après trois grèves de la faim il est remis en liberté provisoire le 22 janvier 2021. Mais le harcèlement se poursuit à sa sortie. Une arrestation arbitraire en fin de manifestation entraîne son incarcération à la prison d’El Harrach le 6 avril 2021, sous divers chefs d’accusation: constitution de groupes de malfaiteurs, proxénétisme, détournement de mineurs,. consommation de drogue etc…Après sa libération il a été plusieurs fois inquiété par les services : à nouveau emprisonné, libéré, puis menacé, il a fait plusieurs fois l’objet de manoeuvres d’intimidation . Il continue cependant d’écrire des poèmes en juin 2023.
Promesses
Je promets à ses larmes qui ont coulé et aux âmes sacrifiées
que je ne pardonnerai pas
à celui qui a été injuste envers elle …
Je construirai ses colonnes touchées … jusqu’à ce que je la voie en paix .
Avec la plume de la justice
je la dessinerai …
Pourtant toutes les gorges ont hurlé
où alors c’est vos coeurs qui sont morts préoccupés par qui va la gouverner ?
Nous ne nous courberons jamais et nos couleurs n’ont pas déteint .
Quand elle est triste
qui va la comprendre ?
Dans ses sanglots
j’ai entendu ce qu’elle a livré .
Je n’ai point trouvé de répartie pour lui répondre .
J’ai senti l’injustice qu’elle a vue dans chaque larme
elle m’a enseigné ses malheurs …
Quand je les ai essuyées
les larmes de ma mère ont coulé .
Et ce dans mes vers que je n’ai pu finir …
Pour que j’informe les esprits éveillés .
La cause, je ne vais jamais la marchander, pour ceux fidèles à leur posture .
De liberté, jamais je ne la priverait .
Prison d’El Harrach, Alger le 09 janvier 2021
Les voix du passé
Les voix se sont multipliées dans la tête L’âme a été ressuscitée
quand elle a entendu cette voix là
La voix du Djurdjura qui pleure
pour les sacrifiés demeurant sous les tombes alors que leurs enfants meurent en mer .
N’est ce pas que la page n’est pas tournée ? Les Aurès n’ont pas encore oublié
le jour où cette voix a été composée
pour redonner vie à la terre .
Ils sont venus falsifier les vers
en plus de nous diviser par cases en refermant les portes sur nous . j’allais les ouvrir en silence
quand je me suis rendu compte que les rôles étaient déjà distribués
Ils ont renversé sur nous la balance jusqu’à coucher le soleil de la justice . Alors les voix sont revenues !
Quand la justice est devenue aveugle ! Dans la douleur a à nouveau crié
le gardien n’ayant pas apporté de bien, son épée s’étant inclinée vers le mal . Il a négligé la clé
et son autorité est tombée .
Ils ont travaillé sous une aile même les aigles parmis eux sont devenus idiots .
J’ai demandé pardon à ma patrie,
j’ai senti qu’elle en était touchée .
Ma plume veillant aux aurores
elle a correspondu avec les esprits partis . Elle en grandit et devint arme
quand l’étau s’est resserré sur notre pays .
Les esprits les poursuivront
âmes de nos ancêtres
qui se sont soulevées .
La vérité finira par apparaître
ils verront ce que notre terre a enfanté .
Dites à Abane de se reposer
sa route n’est pas encore en ruines
Les enfants du pacifisme
sont encore solides
et notre posture est encore constante jusqu’à ce que notre drapeau flotte
et que nous verrons l’Etat debout avec de hautes valeurs .
Les voix,
c’est ce qu’elles avaient dit ..
Prison d’El Harrach Alger le 6 mai 2021
Résistance
Envoyez votre venin
et ajoutez y la mort
Ceci ne sera pas dur pour vous
Vos prisons ne couvrent pas la voix
Cherchez donc pour nous une nouvelle accusation Je vais vous emprisonner entre mes vers
vous passerez tous en jugement dans le poème Celui qui enfourché la lutte
pour un poste et de la nourriture
Alors que l’âme du système est malade .
Vous voulez rendre muette la plume
J’e vais essorer pour vous mon cœur
sur une feuille blanche
Juste pour que ma missive
parvienne à destination
Si vous la lisez entre les lignes
vous entendrez des cris stridents
Ils démolissent ces palais là
construits avec la méchanceté
S’ouvriront alors les portes des tombes
pour les intérêts personnels
Vous passerez vos années en mois
L’amour de la terre n’étant pas un service
Les recommandations des villes et des hameaux et celle du Sahara oublié
Afin de casser tous les murs
peints à l’esclavage
Celui qui parle derrière les palais
ne nous apprendra pas la liberté
Démontrez encore votre haine
et mettez moi dans un cercueil
pour vous ce n’est pas difficile
Le pain de l’humiliation
tandis que l’ordre est venu d’en haut
C’est la punition de la conscience qui sera nouvelle Vous n’avez arrosé ni terre ni lieux secs
Vous vous êtes approché de l’arbre
dont les racines sont têtues
Vous êtes allés chercher du bois brûlé
pour construire un nouveau bateau
Restez à courir dans une impasse
Jusqu’à ce que la table
se renversera sur vous .
A la prison d’El Harrach Alger le 25 novembre 2020.
Changement
Suppression du régime militaire
et chute de l’État mafieux
le peuple libre ne se cassera point jusqu’à ce qu’il voie son pays purifié celui rempli par des visages de malheur. Ô ! mon pays, tu te souviens
de tes enfants mangés par la mer
le combattant en toi a été trahi.
Moi je me souviens
ils ont tous mangé et pris
que ça soit les partants ou les arrivants aucun d’eux n’est honnête
même ceux qui ont laissé la jeunesse éteinte à l’année.
Nous avons dit « ils s’en iront tous » eux et leur faux rouillée.
Alger le 20 mars 2019